Hélène GAUD naît, à Ballaison, à l'aube du
1er conflit mondial, peu de temps après le départ de son père à la guerre
qu'elle ne découvrit que quelques 4 ans plus tard.
Dès sa plus jeune enfance, elle participe aux
travaux de la maison qu'ils soient ménagers ou agricoles : elle transporte
les « boilles » (récipient de 30 litres) de lait à l'aide d'un
mulet : l'hiver avec un traîneau, l'été avec un char. Puis, elle est
chargée de la traite des vaches avant d'aller à l'école Dans les moments
libres, lui était confiée la surveillance des
vaches au pré tout en tricotant afin de ne pas perdre de temps.
Une anecdote peut donner un sens à sa
vie : Une dame l'ayant invité à l'accompagner à Annemasse dans un magasin
afin de découvrir la télévision, le refus conjoint de ses parents se résuma comme suit : « A quoi
sert de susciter l'envie si l'on ne peut pas la satisfaire ? »
A 11 ans, elle quitte l'école le certificat
d'études primaires en poche bien que qualifiée « de plus mauvaise élève et
la plus indisciplinée » par sa maîtresse.
Désormais, elle suit son père dans tous les
travaux agricoles : fanant, moissonnant, fauchant le foin à la faux, le
chargeant sur un char, râblant et sarclant les pieds de vigne.
En septembre 1941, elle ouvrit une épicerie à
Ambilly qu'elle tient jusqu'en mai 1948 et la séparation d'avec son mari, après
6 ans de mariage, qui la voit de retour à Ballaison. Dans les années soixante,
elle crée un petit poulailler dans lequel elle élève des poules pour les œufs
et quelques oies pour la viande. Elle élève, également, et vend des poulettes
prêtes à pondre.
A 49 ans, elle se retrouve avec pour tout
bien, un poulailler de 500 poules et 3 parcelles de 2 000 m² chacune plantée de
fraises, de framboises et de cassis. Travaillant aux champs et vendant ses œufs
la journée, elle était serveuse le soir pour pouvoir payer les études de ses
enfants.
En 1967, elle crée un poulailler de 1 000
poules avec son fils Bernard avec 2 produits : vente de volailles et
production d’œufs. Ceci aboutit en 1971 à la création de la société Baby Coque.
En 1971, en visite au Salon de l'Agriculture,
pour acquérir une calibreuse, son déjeuner prend la forme d'un sandwich au foie
gras. Tellement enchantée de cette découverte, elle renouvelle l'expérience 3
jours de suite. Elle commence à s'intéresser à ce produit mais son comptable
veut la décourager en lui conseillant plutôt d'élever des escargots. Expérience
qu'elle tente mais sans réussite.
En 1972, de retour au Salon de l'Agriculture,
elle se documente sur la fabrication du foie gras. De retour à Ballaison, elle
achète 50 canards et du maïs. Avec un entonnoir fabriqué par son fils, elle
s'essaie au gavage avec un résultat loin de ses espoirs. Les autres tentatives
ne furent pas plus réussies. Il ne restait plus qu'une solution :
apprendre dans le Midi.
1979 à 65 ans : l'heure de la
retraite ? Non mais celle du départ pour Mauvezin dans le Gers !
Après plusieurs contacts et expériences plus ou moins rudimentaires, les essais
reprirent à Ballaison avec son fils Jean-Pierre. Deux ou trois autres séjours
dans le Sud-ouest furent nécessaires pour améliorer leur façon de faire.
Gavage des oies et des canards, abattage,
préparation de la volaille puis préparation et cuisson des foies dans la
cuisine de la mère de Mme Gaud occupaient nos journées.
1986 elle se lance avec son fils dans la
construction d'un bâtiment pour avoir un abattoir, un laboratoire et un petit
magasin.
A la fin des années 80, ils ont atteint le
degré d'expertise et de perfection qu'ils souhaitaient et qu'ils connaissent
encore aujourd'hui. Le succès commercial est réussi.
En 1990 est créée la société « La Mère
Gaud ».
Cependant, elle s'interroge pour trouver un
emploi pour les autres parties du canard. C'est ainsi que des idées de
préparations et de recettes virent le jour : rillettes, confits,
cassoulets, pâtés et même saucisson. En 1992, Jean-Pierre et le frère de sa
belle-fille se sont associés. Plus tard, ce dernier a repris la société
« La Mère Gaud ».
Survint l'annonce de nouvelles normes
européennes qui les fit douter un temps sur leur avenir. Limités par la taille
de leurs installations mais conscients du potentiel de leur affaire, ils
décidèrent de franchir le pas. Les terrassements et les VRD normalisés eurent
raison de leurs économies. L'abattoir, le laboratoire, les frigos ont coûté une
fortune. Le budget définitif a multiplié par 4 le budget prévisionnel. Tout
était opérationnel pour la mise en application de ces nouvelles normes le 1er
janvier 1998.
En 2012, elle échappe de peu à la mort lors
de l'incendie de sa maison qui était celle de ses parents. Son petit chien lui
a sauvé la vie.
Pour sa part, aujourd'hui, Mme GAUD assure,
encore, un rôle de représentation dans la société et s'occupe toujours de son
élevage de volailles d'ornement : paons, poules, canards et pigeons.
Elle est fière d'avoir réussi son pari :
« Un Savoyard vaut bien un Gascon ! ».
Tout ceci valait bien la reconnaissance qui
lui arrive ce 21 septembre 2014, la veille de ses 100 ans : le Mérite
Agricole !
Intervention de M. Jean
NEURY , Président de la Communauté de Communes du Bas-Chablais et Conseiller
Général:
Parler de la « Mère
GAUD », c’est difficile vu qu’il faut évoquer 100 ans d’histoire et une
personnalité hors du commun dans tous les domaines.
Alors, j’ai voulu vous parler de
la « Mère GAUD » avec un peu d’humour et beaucoup de sincérité.
En cette journée du patrimoine,
j’ai imaginé que la « Commission Patrimoine » de la Communauté de
Communes du Bas Chablais s’était réunie dans les sous-sols du Château de
Thénières pour étudier et évaluer les 100 ans d’histoire de la « Mère Gaud »
à Ballaison. Le jury, à l’unanimité des présents, lui a décerné 3 plumes d’or
(les palmes c’est à Cannes, les plumes d’or c’est à Ballaison !!).
-
La première Plume d’Or spécialité
« poule » pour l’élevage des poules et la production d’œufs avec Baby
Coque. On peut dire qu’à Ballaison, ce n’est pas l’œuf qui a fait la poule,
mais c’est la « Mère GAUD » qui a créée l’entreprise.
-
La deuxième Plume d’Or spécialité
« canard gras ». Elle a réussi à faire le meilleur foie gras des Savoie et à dépasser les produits équivalents du Sud Ouest. Comme quoi, en
allant se former à 65 ans sur place, on peut, si l’on veut bien sûr, réussir.
L’élève peut dépasser le professeur.
-
La troisième plume d’Or spécialité
« Meilleur créateur d’entreprises ». Elle montre à tous les nouveaux
créateurs d’entreprises que pour réussir il faut surtout compter sur soi-même,
avoir une ténacité à renverser les montagnes et un caractère bien trempé.
Enfin, elle nous montre que le travail c’est la santé, car
elle a travaillé et innové toute sa vie.
Pour terminer, une petite
anecdote.
La Mère Gaud voire
régulièrement ma maman à Veigy-Foncenex. A l’automne, ma maman âgée de 90 ans
accompagnée de la Mère Gaud de 8 ans son aînée, allaient avec des cagettes
ramasser au jardin les fruits tombés. La Mère Gaud les emportait pour faire des
confitures bios et vraiment artisanales.
Avant-hier, j’ai voulu aller
ramasser quelques fruits pour lui offrir aujourd’hui, afin qu’elle produise
quelques pots du centenaire. Catastrophe, il n’y avait plus un seul fruit par
terre, alors, il faudra qu’elle attende l’automne prochain pour que je répare
cette erreur. J’aurai le pot de confiture des 101 ans.
Bon anniversaire.
Bon début de retraite.
Longue vie à l’entreprise qui reste la fierté de Ballaison
et de notre territoire.
Intervention de M. Christophe SONGEON, Maire de Ballaison :
Il y a, au cours du mandat d’un Maire, de nombreuses commémorations, quelques obligations et de grandes occasions qui, bien que plus rares, jonchent ce parcours et remplissent le cœur de joie, de fierté et d’émotion.
Et en voici une parmi les plus belles : être présent pour fêter les 100 ans de la mère Gaud, « notre Mère Gaud » pourrais-je oser tant elle est une figure emblématique de notre commune, que dis-je ? Une légende !
Oui, une légende, car les légendes survivent à tout et la mère Gaud a survécu à tout : de la grippe espagnole, au feu en passant par la guerre et, au risque de vous surprendre, aux hommes !
Aux hommes car la mère Gaud n’a pas attendu les nombreuses actions menées aujourd’hui pour permettre l’égalité homme/femme, non. Seule, elle a supplanté de nombreux hommes à une époque où l’on regardait encore les ambitions des femmes avec une pointe de moquerie et de désapprobation, à l’instar de Marilyn Monroe, la Mère Gaud pourrait clamer que : « Les femmes qui cherchent à être l’égal des hommes manquent cruellement d’ambition ».
Car de l’ambition, la mère Gaud en a toujours eu à revendre. Mue par la passion aviaire et son peu de goût pour le farniente, la mère Gaud n’a cessé de se lancer dans de nouveaux projets avec toujours la même envie et la même fraîcheur allant jusqu’à faire voler en éclat toutes les conventions et les idées reçues en se lançant dans la production de foie gras en Haute-Savoie.
Un grain de folie vous habite sans doute Madame, mais de ces grains de folie qui font les fondations des plus grandes idées et des plus belles réussites.
Et au-delà de votre incroyable parcours si bien conté dans votre passionnante biographie, votre charisme, votre caractère déterminé et franc, ont su ravir le cœur des habitants de notre beau village. Nous sommes fiers de votre réussite, fiers de vous compter parmi nous et fiers tout autant que sincèrement heureux de fêter avec vous votre 100ème anniversaire.
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avec son ami Pierre BONTE |